mardi 9 août 2011

Le son qui met la pression...

L'honnête homme interrompra les affaires en cours pour prêter l'oreille à cette version de l' Ungarische melodie de Schubert, donnée par Alfred Brendel. La meilleure version en ligne, semble-t-il. On pourra cependant, si affinités, rechercher la version de Vladimir Ashkenazy, excellente.


lundi 31 janvier 2011

Sacrifices considérables


"Les masses suivront la propagande, qui les met en rapport technique avec le droit et la morale. Le Waldganger [traduit dans les éditions françaises par « Rebelle ». Mot trop niaisement connoté aujourd’hui pour que nous consentions à l’utiliser, NDP] n’en fera rien. Dure décision, qu’il lui faut pourtant adopter : se réserver en tout temps l’examen de ce pour quoi l’on requiert son acquiescement ou sa participation. Les sacrifices seront considérables. Mais il s’y attache un gain immédiat de souveraineté. Il est vrai qu’au point ou nous en sommes, ce gain ne sera ressenti comme tel que par très peu d’esprits. Pourtant, le règne ne pourra venir que de ceux en qui s’est préservée la science des structures originelles de l’humain, et qu’aucune supériorité matérielle ne fera renoncer à agir en hommes."

Ernst Jünger, Le traité du Rebelle ou le recours aux forêts, Christian Bourgois, 1995, p. 124 .

vendredi 28 janvier 2011

Etonnant voyageur


"Où que j'aille (car parfois, moi aussi, je déambule), ce qui m'intéresse, c'est la halte (...). A ce compte la terre est grande, et si l'on prétend devant moi que nos moyens mécaniques l'ont rapetissée, je réponds que mon art de vivre développe les proportions du monde qui m'est proposé bien au-delà des sauts de puce de tous les appareils des compagnies aériennes les plus modernes, et même des fusées."


Jean Giono, Les terrasses de l'île d'Elbe, Gallimard, 1976, p. 28-29 .

Suivez mon regard ...


"L’interpénétration croissante de la fiction, du journalisme et de l’autobiographie montre de façon indéniable que de nombreux écrivains parviennent de plus en plus malaisément à atteindre le détachement indispensable à l’art. Au lieu de travailler leurs souvenirs, un grand nombre d'écrivains estime que la mise à découvert de leur personnalité suffira à intéresser le lecteur, faisant appel ainsi, non à sa compréhension, mais à sa curiosité lubrique concernant la vie privée des gens célèbres."

Christopher Lasch, La culture du narcissicisme, op. cit. , p. 46 . Nous soulignons.

L'homme psychologique


"Assailli par l'anxiété, la dépression, un mécontentement vague et un sentiment de vide intérieur, «l'homme psychologique» du XXe siècle ne cherche vraiment ni son propre développement ni une transcendance spirituelle, mais la paix de l'esprit, dans des conditions de plus en plus défavorables. Ses principaux alliés, dans sa lutte pour atteindre un équilibre personnel, ne sont ni les prêtres, ni les apôtres de l'autonomie, ni des modèles de réussite de type capitaines d'industrie; ce sont les thérapeutes. Il se tourne vers ces derniers dans l'espoir de parvenir à cet équivalent moderne du salut: «la santé mentale». La thérapie s'est établie comme le successeur de l'individualisme farouche et de la religion; ce qui ne signifie pas que le «triomphe de la thérapeutique» soit devenue une nouvelle religion en soi. De fait, la thérapie constitue une antireligion, non pas parce qu'elle s'attache aux explications rationnelles ou aux méthodes scientifiques de guérison, comme ses praticiens voudraient nous le faire croire, mais bien parce que la société moderne «n'a pas d'avenir», et ne prête donc aucune attention à ce qui ne relève pas de ses besoins immédiats. Même lorsque les thérapeutes parlent de la nécessité de «l'amour» et de «la signification» ou du «sens», ils ne définissent ces notions qu'en termes de satisfaction des besoins affectifs du malade. Il leur vient à peine à l'esprit - étant donné la nature de l'acte thérapeutique, pourquoi y penseraient-ils? - d'encourager le client à subordonner ses besoins et ses intérêts à ceux d'autrui, à quelqu'un, à quelque cause ou tradition extérieure à son cher moi. «L'amour», en tant que sacrifice de soi ou humilité, et «la signification», ou le «sens» en tant que soumission à une loyauté plus haute, voilà des sublimations qui apparaissent à la sensibilité thérapeutique comme une oppression intolérable, une offense au bon sens et un danger à la santé et au bien-être de l'individu. Libérer l'humanité de notions aussi attardées que l'amour et le devoir, telle est la mission des thérapies postfreudiennes, et particulièrement de leurs disciples et vulgarisateurs, pour qui santé mentale signifie suppression des inhibitions et gratification immédiate des pulsions."


Christopher Lasch, La culture du narcissisme, Flammarion, 2006, p. 40-41 .

Let's take a look at the french ring

A l'ancienne

dimanche 23 janvier 2011

Mignonne, allons voir ...



"Les ados aiment se balader dans les centres commerciaux. On se dirige vers le plaisir d'acheter, le besoin de convivialité, dans un environnement sécurisé. Odysseum c'est le nouveau quartier de la rencontre, de la jeunesse et de la consommation moderne".


A propos du quartier "Odysseum" à Montpellier, Gazette de Montpellier, 26/11/1999 . Cité par Jean-Claude Michéa, "Pour en finir avec le XXIème siècle", in Christopher Lasch, La culture du narcissisme, Flammarion 2006, p 17, note 14 .

lundi 17 janvier 2011

Ce bon vieux Liszt

L'ami Liszt, encore, donné ici par le terrible Horowitz -que nos auditeurs connaissent bien. Nette invitation à la beuverie matinale. Ou au bain de mer en Janvier. Où à l'achat et la domestication d'un hibou.

Le sang païen revient


L'honnête homme, pour croiser sans trop de remous dans la modernité moderne, aura toujours sur lui un exemplaire d'Une saison en enfer. Pour démultiplier les propriétés de l'ouvrage, en rendre plus puissants les effets, il apprendra par coeur quelques passages, de sorte qu'il puisse soutenir une conversation entière en ne faisant que citer son livre de poche. On lui demande l'heure ? Il répondra que les vins vont aux plages et comprenne qui peut.
Qu'il n'hésite pas par ailleurs à se procurer un revolver, au cas où.

Mais trêve de glose savante :

Me voici sur une plage armoricaine. Que les villes s'allument dans le soir. Ma journée est faite ; je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes poumons ; les climats perdus me tanneront. Nager, broyer l'herbe, chasser, fumer surtout ; boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant, - comme faisaient ces chers ancêtres autour des feux.
Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'oeil furieux : sur mon masque, on me jugera d'une race forte. J'aurai de l'or : je serai oisif et brutal. Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds. Je serai mêlé aux affaires politiques. Sauvé.
Maintenant je suis maudit, j'ai horreur de la patrie. Le meilleur, c'est un sommeil bien ivre, sur la grève.


Arthur Rimbaud, "Mauvais sang", in Une saison en enfer, Flammarion, 1989, p. 109 .

dimanche 9 janvier 2011

Préhistoire des créa-culs


Ou pourquoi (et à quel point) Christophe Barbier est un pâle haricot-vert.

L'honnête homme démissionnera de son ridicule emploi chez Moltonel, s'inscrira au chômage et se consacrera à temps complet à la littérature de Georges Perec. L'extrait ci-après, sans contredit, devrait suffire à l'y pousser.

L'Express était sans doute l'hebdomadaire dont ils faisaient le plus grand cas. Ils ne l'aimaient guère, à vrai dire, mais ils l'achetaient, ou, en tout cas, l'empruntant chez l'un ou chez l'autre, le lisaient régulièrement, et même, ils l'avouaient, ils en conservaient fréquemment de vieux numéros. Il leur arrivait plus que souvent de n'être pas d'accord avec sa ligne politique (un jour de saine colère, ils avaient écrit un court pamphlet sur "le style du Lieutenant") et ils préféraient de loin les analyses du Monde, auquel ils étaient unanimement fidèles, ou même les prises de position de Libération, qu'ils avaient tendance à trouver sympathique. Mais l'Express, et lui seul, correspondait à leur art de vivre ; ils retrouvaient en lui, chaque semaine, même s'ils pouvaient à bon droit les juger travesties et dénaturées, les préoccupations les plus courantes de leur vie de tous les jours.


Georges Perec, Les choses, Julliard, 1965, p. 45 .